L'otite moyenne aiguë (OMA) est définie par la présence de liquide inflammatoire ou purulent dans l'oreille moyenne. Elle est fréquente chez le jeune enfant, entre 6 mois et 4 ans, où elle constitue la première infection bactérienne (80 % des enfants de 3 ans ont présenté au moins un épisode d'OMA). Le diagnostic ne peut être fait que sur l'aspect otoscopique. La résistance croissante aux antibiotiques des germes impliqués, notamment du pneumocoque, explique les échecs des traitements qui justifient d'une paracentèse à visée bactériologique.
1. Examiner l'oreille d'un enfant avec l'otoscope et décrire les aspects pathologiques du tympan.
1.a. Quand examiner les tympans d'un enfant ?
L'examen otoscopique,
seul à même de faire le diagnostic d'OMA, doit être systématique : • chez l'enfant de moins de 4 ans devant tout(e) : - fièvre, - infection des voies aériennes supérieures (même en l'absence d'otalgie et de fièvre), - agitation, pleurs ou cris douloureux nocturnes, - symptôme digestif : vomissements, refus du biberon, selles liquides. • chez l'enfant de plus de 4 ans devant toute fièvre, otalgie ou otorrhée. |
Aucun signe n'est pathognomonique de l'OMA. La fièvre et l'otalgie sont inconstantes (respectivement présentes dans 70 % et 60 % des cas avant 4 ans). L'otalgie ne pouvant être verbalisée chez le jeune nourrisson, il convient de demander aux parents si l'enfant porte la main à ses oreilles, présente des réveils fréquents avec pleurs. Les symptômes digestifs (vomissements, selles molles) peuvent être isolés chez le nourrisson. A l'inverse l'otalgie est présente lors d'une otite externe ou d'une myringite. Après 4 ans, l'otalgie est beaucoup plus fréquente et constitue le maître symptôme.
1.b. Comment examiner les oreilles d'un enfant
Avant 9 mois, l'examen se réalise au mieux enfant allongé. Entre 9 mois et 4 ans, il peut être intéressant d'installer l'enfant sur les genoux d'un des parents. Le parent tient d'une main les deux avant-bras et maintient de l'autre la tête de côté collée contre son buste et son cou. L'examen otoscopique est facilité par la traction du pavillon de l'oreille vers le haut, l'arrière et l'extérieur, ce qui permet au mieux d'aligner le conduit auditif externe.
1.c. Sur quels aspects otoscopiques peut-on porter le diagnostic d'OMA ?
L'OMA est
définie par la présence d'un liquide inflammatoire ou purulent dans
l'oreille moyenne. Le diagnostic d'OMA associe : 1. un épanchement
rétrotympanique responsable du bombement de la membrane tympanique
objectivé par : |
2.
Expliquer les particularités physiopathologiques de l'otite moyenne aiguë chez
l'enfant
L'OMA complique le plus souvent une infection virale
rhino-pharyngée. Celle-ci favorise la contamination de l'oreille moyenne par la
trompe d'Eustache, augmente l'adhésion et la multiplication de bactéries
résidentes, et gêne le drainage naturel de la caisse du tympan du fait de
l'inflammation de la trompe et de la diminution de sa clearance muco-ciliaire.
Les trois bactéries les plus fréquemment responsables d'OMA sont Hémophilus
influenzae (45 %), Streptococcus pneumoniae (30%), et Moraxella catarrhalis (10
%).
3. Décrire
les complications de l'otite moyenne aiguë chez l'enfant et les signes
d'alarme
La perforation tympanique: : l'otorrhée peut être le premier
symptôme d'une OMA, surtout chez le nourrisson. Si elle est secondaire, elle
s'accompagne d'une régression de la douleur et des troubles du sommeil, et d'une
diminution de la fièvre. Sa localisation, souvent dans le quadrant
postéro-supérieur doit être recherchée. Une otorrhée peut être observée lors
d'une simple otite externe !
La mastoïdite aiguë extériorisée est
devenue rare. Elle se manifeste par un décollement du pavillon de l'oreille
déjeté en avant et un comblement du sillon rétro-auriculaire. La chute de la
paroi postérieure du tympan est rarement observée. Le diagnostic est beaucoup
plus difficile dans les mastoïdites subaiguës décapitées par des
traitements antibiotiques répétés mais insuffisants. Le tableau se résume à des
otites récidivantes et un ralentissement de la croissance pondérale. Souvent
seul le scanner peut faire le diagnostic.
La paralysie faciale touche
les territoires supérieur et inférieur, peut être précoce, justifie une
paracentèse et un traitement antibiotique. Les labyrinthites plus souvent
de nature inflammatoire qu'infectieuse se manifestent dans le jeune âge
essentiellement par une instabilité, des nausées ou vomissements, et des
épisodes de pâleur. Elles peuvent se compliquer d'éventuelles séquelles
auditives et vestibulaires. Les méningites otogènes, les abcès cérébelleux ou
temporaux, les thrombophlébites du sinus sigmoïde sont devenus très rares depuis
l'utilisation des antibiotiques.
Un risque de sepsis grave n'est
observé que sur un terrain à risque : nouveau-né, immunodéprimé.
Les
récidives :
Il faut distinguer :
- les OMA répétées avec normalisation
du tympan entre les épisodes (rechercher un tabagisme passif, une hypertrophie
adénoïdienne, une anémie ferriprive, un déficit en IgA),
- l'otite
séro-muqueuse avec poussées aiguës, témoignant d'une dysfonction tubaire
elle-même favorisée par de précédents épisodes d'OMA,
- l'otorrhée
chronique qui justifie absolument d'un examen bactériologique.
Les
séquelles : persistance d'une perforation tympanique, dysfonction tubaire
(souvent provisoire), perte d'audition.
4. Justifier une
prescription d'antibiotique, le choix du médicament et sa voie
d'administration
4.a. Faut-il prescrire d'emblée un antibiotique
dans l'OMA de l'enfant ?
Les recommandations
de l'AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de
Santé, juillet 2001 Antibiothérapie par voie générale en pratique courante (Otite Moyenne Aiguë) sont : 1. chez le moins de 2 ans l'antibiothérapie d'emblée est recommandée (grade A), 2. chez le plus de 2 ans peu symptomatique, l'abstention en première intention de l'antibiothérapie est licite ; en revanche, si la symptomatologie est bruyante (fièvre élevée, otalgie intense), une antibiothérapie doit être prescrite (grade B), 3. Le choix de l'abstention doit s'accompagner d'une réévaluation de l'enfant à 48-72 h sous traitement symptomatique (grade B), 4. La myringite (ou otite congestive) n'est pas une indication aux antibiotiques. |
4.b. Quel est le choix antibiotique initial ? Quels éléments guident ce choix et quelle est la durée du traitement ?
Les
pourcentages de souches résistantes aux antibiotiques des 3 germes le plus
souvent responsables d'OMA ont considérablement augmenté ces 10 dernières
années : - Pneumocoque : 50 à 70 % de souches de sensibilité anormale à la pénicilline, - H. influenzae : 50 % de souches productrices de betalactamases, - M.catarrhalis : 90 % de souches productrices de betalactamases. Ceci a modifié de façon importante le choix probabiliste de l'antibiothérapie initiale. |
Il est recommandé
d'utiliser une monothérapie par voie orale. La durée du traitement recommandé (grade A) est de : - 8 à 10 jours chez le moins de 2 ans, - 5 jours après 2 ans. |
Il existe des relations entre signes cliniques et bactérie responsable qui peuvent orienter le choix de l'antibiotique (cf schéma).
La prescription d'antibiotique doit être accompagnée de conseils qui doivent surtout porter sur l'importance du respect du nombre de prises quotidiennes et de la durée du traitement. L'observance est malheureusement mauvaise dès lors que les symptômes ont régressé et les arrêts d'administration en cours de traitement sont très fréquents. Ceci justifie l'intérêt de traitements antibiotiques comportant un nombre de prises moins important et une durée plus courte.
Traitement antibiotique de l'OMA (en l'absence de résultat
bactériologique)
5. Exposer
l'intérêt et le bon usage des traitements non spécifiques : antalgiques,
anti-inflammatoires, position, gouttes auriculairesaphie / 2ans.
Utiles : Il faut avant tout calmer la douleur et traiter
la fièvre éventuelle : le paracétamol par voie orale (la voie rectale
ne doit être utilisée qu'en présence de vomissements itératifs) est le
traitement de référence. Les gouttes auriculaires contenant uniquement un
anesthésique local peuvent être efficaces (intérêt dans les otites externes).
Lorsque l'enfant est algique, le faire boire et donc déglutir peut diminuer la
douleur. La désobstruction rhino-pharyngée par instillations de sérum
physiologique est utile pour le traitement de la rhinopharyngite, habituellement
associée.
Inutiles : L'utilité des corticoïdes oraux ou locaux
n'est pas démontrée en particulier sur les séquelles auditives. Leur utilisation
n'est donc pas recommandée (même si des études montrent une régression plus
rapide de la douleur et de l'épanchement). Les anti-inflammatoires non
stéroidiens ne sont pas une alternative supérieure au paracétamol pour la
douleur et n'ont pas d'utilité démontrée sur le plan de l'inflammation. Les
antibiotiques locaux sont inutiles et contre-indiqués en cas de tympan ouvert "
sec ".
6. Citer
les situations nécessitant un avis spécialisé
L'avis de l'ORL peut
être d'emblée nécessaire en raison :
1. d'une impossibilité à visualiser les
tympans chez un enfant dont la symptomatologie est évocatrice d'une OMA
(conduits impossibles à nettoyer). Dans ce cas, l'antibiothérapie ne doit pas
être prescrite avant que le diagnostic n'ait été fait.
2. d'une indication de
paracentèse d'emblée :
- soit à visée de drainage de l'oreille
moyenne pour soulager la douleur dans les formes hyperalgiques du jeune enfant
avec tympan bombant et réponse insuffisante aux antalgiques,
- soit pour
isoler la bactérie responsable et connaître sa sensibilité aux
antibiotiques, chez les sujets où des bactéries inhabituelles peuvent être
isolées : nouveau-né (pyocyanique) et nourrisson de moins de 6 mois,
immunodéprimé,
- soit pour les deux raisons précédentes,
comme dans les complications locales (mastoïdite) ou générales (syndromes
infectieux sévères) où il est important de drainer et de connaître le germe pour
contrôler le processus infectieux..
L'avis de l'ORL est nécessaire en
cas d'échec du traitement.
Les principaux
éléments de surveillance de l'évolution de l'OMA sont : L'échec
thérapeutique est défini par : |
En cas d'échec, il faut vérifier l'observance du traitement. Si cette dernière n'est pas confirmée il ne faut pas systématiquement changer d'antibiotique. Si l'observance est bonne, le changement d'antibiotique doit se fonder chaque fois que possible sur les données bactériologiques et d'antibiogramme obtenues grâce à la paracentèse. Les indications secondaires de paracentèse sont donc avant tout bactériologiques, la fréquence des bactéries résistantes justifiant en effet d'isoler le germe responsable et de disposer d'un antibiogramme.
FAQ 7
|
7. Citer
les signes évocateurs d'une otite séro-muqueuse, les principes de son diagnostic
et de sa prise en charge
L'otite séro-muqueuse est secondaire à un
dyfonctionnement tubaire (obstruction de la trompe d'Eustache) et à une
inflammation souvent post infectieuse. Elle doit être évoquée devant une
hypoacousie très souvent bilatérale, des OMA récidivantes. Sa découverte est
fréquente lors d'un examen otoscopique systématique ou au décours d'une OMA.
L'otite séro-muqueuse comporte un épanchement rétrotympanique, mais le tympan
est mat, dépoli, souvent non bombé voire rétracté si l'épanchement est ancien,
et il n'existe pas de signe général d'inflammation. La confirmation du
diagnostic nécessite un examen audiométrique complet. L'impédancemétrie comporte
une tympanométrie (témoignant d'une diminution de la mobilité tympanique) et la
recherche du réflexe stapédien (diminué ou aboli). La perte auditive est
quantifiée.
Le traitement vise à éliminer les facteurs favorisants :
éducation du mouchage, suppression du reniflage, du tabagisme parental,
suppression de la piscine en période hivernale. Un traitement médical associant
antibiotiques et corticoïdes (tous deux d'efficacité limitée dans le temps) est
le plus souvent prescrit. Les mucorégulateurs n'ont pas d'efficacité démontrée.
Le recours à la chirurgie (pose d'aérateurs trans-tympaniques) ne doit
intervenir qu'après un délai d'au moins 3 mois sans succès en cas d'hypoacousie
bilatérale excédant 25 à 30 dB, d'OMA récidivantes nécessitant paracentèses et
antibiothérapies répétées, ou de rétraction tympanique prononcée faisant
craindre l'évolution vers une otite chronique, en particulier
cholestéatomateuse.